Par Amélie Tsaag-Valren. www.cheval-savoir.com
N°49 Déc
N°49 Déc
On se souvient de l'hiver 2010-2011
où, faute de moyens, plus de 20 000 chevaux avaient été abandonnés dans
la nature par leurs propriétaires, en Irlande. L'histoire se répète à
l'approche de cet hiver en Angleterre, où la princesse Anne va jusqu’à
suggérer l’acceptation de l’hippophagie pour donner une nouvelle valeur
économique aux chevaux, et mettre un terme aux abandons et aux
maltraitances. Dès 2014, un drame similaire pourrait frapper la France
si rien n’est fait en faveur de la filière équestre…
La campagne irlandaise a été le théâtre dans l’hiver 2010-2011 de l’abandon de milliers de chevaux. © Efbee – Fotolia.com
Les
associations de protection ont été submergées par ce cheptel dont
personne ne voulait, l'Etat irlandais a même organisé une réunion
extraordinaire pour trouver un moyen de gérer tous ces vagabonds... Ils
ont probablement fini leur vie dans l’alimentation animale, pour les
zoos ou dans des boîtes pour chiens.
Les animaux seraient-ils les victimes favorites des crises ?
L'histoire
s'est répétée à l'approche de cet hiver, en Angleterre. A tel point que
la très hippophile princesse Anne, elle-même ancienne championne
d’Europe de concours complet, a déclaré mi-novembre que « les chevaux seraient mieux traités s'ils pouvaient être vendus pour la viande ».
Un revirement de position qui a suscité une vague d'émoi outre-Manche,
dans ce pays où l'hippophagie est un tabou séculaire ! En février 2013,
les magazines britanniques faisaient leurs choux gras en enquêtant pour
savoir si la famille royale avait pu manger du cheval lors de la fameuse
fraude à la viande…
L’opération « cadeaux de Noël »
Le
spectre irlandais et britannique est à l'origine de l'opération dite
« Cadeaux de Noël » en France. Pour le moins controversée, elle a été
mise en place par les responsables du collectif de la Horde Française, dans
le cadre des actions de protestation contre l'équitaxe. Afin d'éviter
que des milliers de chevaux français soient maltraités, relâchés dans la
nature ou revendus à l'abattoir, faute de moyens de s'en occuper (une
différence essentielle entre la France et les îles britanniques réside
dans... l'existence de l’hippophagie), certains cavaliers et
propriétaires les ont attachés aux grilles de Préfectures, en annonçant
en faire don à l'Etat français ! « Après tout, les Haras nationaux sont vides, ils peuvent s'occuper de nos chevaux, nous n'en aurons plus les moyens », peut-on lire ici ou là.
Toutes
les conditions sont désormais réunies, dans notre pays, pour qu'un
grand nombre de chevaux soient abattus ou mis en souffrance
La Horde française justifie cette opération par le fait que « des dizaines de milliers de chevaux seront de toute façon au rebut », et que « personne ne les achètera puisqu'il y aura une offre qui dépassera très largement la demande ». Les chevaux cédés à l'Etat seraient « listés, et il sera possible pour les anciens propriétaires de demander des nouvelles et de savoir où ils sont ».
La communauté cavalière divisée
Cette
opération du désespoir divise la communauté cavalière. D'une part, 60 à
100 € d'augmentation mensuels sur les pensions et demi-pensions
représentent pour certains foyers une charge impossible à assumer, sans
parler des dirigeants de centres équestres qui adaptent le volume de
leur cavalerie au nombre de leurs licenciés. Ce « don » de Noël devient
une « solution » qui évite la revente à l'abattoir. Certains dirigeants
de centres équestres ont même annoncé publiquement sur les réseaux
sociaux leur volonté de « se débarrasser » de chevaux âgés ou usés, qui seraient de toutes façons partis « à la réforme ». Si la rédaction de Cheval Savoir s'associe avec la colère, bien légitime, des cavaliers, des éleveurs, gérants et propriétaires touchés par cette augmentation de TVA injuste et malvenue en époque de crise, cette opération du désespoir demande réflexion. Le Renard ne dit-il pas au petit Prince « Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé ? ». Comment peut-on sereinement réveillonner, tout en abandonnant son cheval aux mains… d'on-ne-sait-qui ? Quelle différence avec celui qui donne son cheval au premier maquignon venu sur la simple promesse d'une « retraite heureuse » ? Beaucoup de personnes prétendent hélas « aimer » les chevaux, mais s’en séparent au premier problème venu…
La
lugubre filière « viande » avec ses différents débouchés constituera
sans doute la réponse la plus probable aux problèmes financiers et aux
abandons. © elypse – Fotolia.com
L'opération dite « Crottins
pour tous »10 Commentaire(s)
, en réaction aux propos controversés de François Hollande
qui a assimilé les manifestants contre l'équitaxe à « la droite
indécrottable », semble plus légitime. Il est évident que l'Etat
français ne réservera pas un sort joyeux à ces animaux abandonnés par
leurs propriétaires le jour de Noël... tout comme l’Etat irlandais, qui a
dû trouver une solution radicale face aux milliers de chevaux
vagabondant dans le pays. Plutôt qu'un box confortable dans les Haras
nationaux, ils risquent une revente immédiate en filière petfood.
La question de la souffrance
La
question des équidés non-désirés se résume peut-être à une seule
question de société, déjà mille fois posée : la mort vaut-elle mieux que
la souffrance ? Vaut-il mieux envoyer son cheval à l'abattoir et
soutenir la survie économique de la filière en acceptant l’hippophagie,
ou le garder coûte que coûte, même sans avoir les moyens de s'en occuper
? Si l'on posait la question en prenant pour exemple les sociétés
humaines, il s'agirait de savoir si la peine de mort vaut mieux que la
prison à perpétuité... Toutes les conditions sont désormais réunies, dans notre pays, pour qu'un grand nombre de chevaux soient abattus ou mis en souffrance :
- La fiscalité qui accroît les difficultés des centres équestres, des propriétaires et de tout équitant.
- La réforme des rythmes scolaires qui réduit d'environ 20% la clientèle des clubs.
- Les normes qui rendent de plus en plus compliquées l'homologation et l'ouverture d'un établissement équestre - y compris d'une écurie de propriétaires.
- Les fraudes (y compris sanitaires) de plus en plus nombreuses pour faire abattre des chevaux « impropres à la consommation » (scandale des chevaux de laboratoire, fraude à la retraite, fraude au remplacement de la viande…)
- Le coût prohibitif de l'équarissage et l'absence d’une solution alternative à la fois sérieuse et moins coûteuse – l’enterrement des équidés n’est pas à l’ordre du jour…
Le sort des vieux chevaux
Un
cheval à la fois âgé et interdit de revente pour la consommation
humaine n'a désormais plus aucune valeur commerciale, ce qui se comprend
aisément du fait qu'il ne peut être ni monté ni travaillé, et qu'il
coûte cher en soins vétérinaires et en maréchalerie, jusqu'au couperet
de l’équarrisseur. Cette situation, qui pousse à des fraudes sanitaires
de plus en plus nombreuses, n'a fait l'objet d'aucune réflexion. Malgré
toute leur bonne volonté, les associations de protection sont débordées,
et pas toujours assez formées pour gérer et placer un cheval âgé. Les
bonnes volontés se heurtent à une réa10 Commentaire(s)
lité économique cruelle. Très régulièrement, des propriétaires de bonne foi sont même accusés de maltraitance parce qu'ils gardent un cheval âgé au pré, et que ce dernier semble amaigri ou malheureux. Ils sont dénoncés par des passants, qui ignorent combien il est délicat de maintenir un cheval âgé en l'état. Comme une personne humaine de 80 ans, ces chevaux peuvent maigrir spectaculairement ou tomber malades n'importe quand... De quoi rendre plus dissuasive encore leur acquisition. Sans compter les jeunes cavaliers de bonne foi, qui adoptent leur vieux cheval de club en ignorant tous les coûts que cela suppose, et contactent ensuite, paniqués, une association de protection au premier problème venu.
Hécatombe animale ?
Le
triplement de la TVA sur les activités équestres ne se résume pas à une
simple histoire de « suppression de niche fiscale » qui coûtera des
emplois. L'équitation, en plus d'être le seul sport soumis à de la TVA
et l'un des moins subventionnés par l'Etat, est aussi le seul sport qui
implique deux êtres vivants, l'homme et le cheval. Accepter le
triplement de la TVA, c'est accepter, cautionner une véritable hécatombe
animale. Les responsables du gouvernement et de l'Union Européenne le
savent-ils ? S'en préoccupent-ils ? La négociation avec l'Europe, annoncée à grands renforts de communiqués de presse comme une preuve de « mobilisation du gouvernement sur tous les fronts en faveur de la filière équestre », laisse un goût très amer d'exercice de langue de bois, sans réelle motivation de changer la situation. Malgré les bruits de couloir selon lesquels « les manifestations bon enfant contre l'équitaxe n'ont aucun effet, et cesseront d'elles-mêmes à Noël », la mobilisation ne faiblit pas. Certains gérants et propriétaires ont même annoncé qu'ils cesseraient de payer toutes leurs charges et toutes leurs taxes au premier janvier. Une façon de protester qui éviterait au moins la mort et la souffrance à des chevaux bien innocents... 10 Commentaire(s)
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